Skiachromie-objets, Jean Claude Le Gouic

 

 
 

À la galerie Le Studiolo, sous le titre Skiachromie-objets, nous est proposé un ensemble de pièces jouant sur des "lueurs d'ombres". Depuis quelques années, Jean-Claude Le Gouic installe ses productions, qu'elles soient bi ou tri dimensionnelles et plus ou moins fluorescentes, sous un double éclairage lumière blanche et lumière noire : alternativement figures et ombres paraissent puis disparaissent.
L'expérience de ces traces d'ombres fait resurgir plusieurs récits et diverses images du monde de l'art. Remontent pêle-mêle le souvenir de la caverne de Platon, le récit sur l'origine de la peinture de Pline (le tracé par Ditubade de l'ombre de son amant), le traité de Léonard, les images des diverses Shadows d'Andy Warhol, certaines créations de René Magritte ou encore celles de Marcel Duchamp.

Quelques instants après être entré dans l'espace de l'exposition, on s'accoutume à la lumière noire et notre œil devient regard. Il faut savoir attendre et trouver son propre tempo pour une attention différente. Sans l'ombre d'un doute, dans cette nuit ultraviolette, les ombres des choses ne sont pas grises ; du fait de la fluorescence, les couleurs s'émancipent. L'objet reçoit en retour l'empreinte de son image. L'ombre portée illumine l'ombre propre et nous devenons spectateurs de ce renversement. Ombres lumineuses : l'oxymore brouille nos certitudes. Les ombres projetées matérialisent un processus optique. Un autre œil que celui du regardeur, une optique de projecteur, est venue, avant lui, matérialiser la scène. Le spectateur pénètre dans le lieu de l'installation au présent, pourtant ces ombres projetées sont celles d'autres temps et de sources lumineuses multiples. La présence de la fluorescence n'efface pas l'effet d'artifice qui, dans toute création plastique, se glisse entre l'objet et sa projection. Une part d'ombre se maintient dans ces échanges de couleurs et de lumières et lorsque le contour de l'ombre ne s'accorde plus à la silhouette de l'objet.

Cette accentuation de la visibilité des ombres se fait sans nostalgie. Leur joyeuse présence joue plus sur l'excès que sur absence. Faisant l'expérience des créations récentes de Jean-Claude Le Gouic, le regard du visiteur est invité à lâcher la proie pour l'ombre et, fort heureusement, cette traversée du miroir s'opère, cette fois encore, avec jubilation.
 
 

 

Jean Helget