Comme des interfaces transparentes, les différentes couches de
tulle fluorescent enveloppent l'architecture intérieure afin
d'y installer un espace vibrant. Le diaphane des textiles s'associe
à la fluorescence pour perturber la perception de l'environnement.
Sous l'effet de la lumière noire, certains pans de couleurs avancent
tandis que d'autres reculent. Les effets de surface rivalisent avec
les profondeurs fictives. Les murs perdent leur solidité. Les
lieux de la couleur et de la lumière, lorsqu'ils deviennent indiscernables,
font douter l'œil du regardeur.
Le textile en feuil, plié et superposé entraîne,
suivant l'angle du regard, des effets de moirures. Le corps du spectateur
en se déplaçant dans la pièce devient l'agent des
modifications des teintes et des transparences. Au cours de la journée
aussi la perception du lieu évolue. Rien ne change et pourtant
tout se transforme : fragmentations, nuances multiples, espaces inversés.
Cette mouvance permanente rappelle sans doute l'indétermination
des choses et aussi des êtres.
Ce travail de peintre a été réalisé sans
peinture. Du fait de l'emploi du tulle teint industriellement, la couleur
n'est plus appliquée sur le support. Il ne s'agit pas de revêtir
le mur mais, plus prosaïquement, de le vêtir, de faire en
sorte qu'il ne paraisse plus nu.
Les coups de pinceau, les traces de rouleau, les lignes dessinées,
toutes les marques personnelles de l'artiste ont disparu ; pourtant
cela ne conduit pas vers un art de la froideur, du neutre et de la déshumanisation.
Bien au contraire, l'irradiation des couleurs intenses et les diverses
mouvances spatiales tendent à favoriser les battements d'espaces
comme autant de diastoles /systoles affectives.