"Camouflages fluorescents"
installation
lumière blanche
lumière noire
mars
2011
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Camouflages fluorescents.
Si d’habitude le camouflage vise à rendre moins visible ou à donner une apparence trompeuse à un objet ou à un être vivant, ici il s’agit d’attirer et de capter le regard. Alors que pour se fondre dans l’environnement les teintes utilisées sont différentes nuances de vert, de kaki, de brun ou de beige, dans mon installation dans la grotte des Perles, la majorité des couleurs sont vives et même fluorescentes ; elles s’émancipent du lieu de leur inscription, des filets de camouflage, pour venir dans l’espace à la rencontre des visiteurs. Camoufler, c’est couvrir, cacher, déguiser, maquiller, masquer, toutes sortes d’opérations usuelles du peintre. Mais camoufler avec des couleurs fluorescentes, dont le rôle est d’attirer très fort le regard, installe un oxymore — association de deux termes en apparence contradictoire. Au piège optique destiné à tenir le regard en échec s’ajoute une interrogation conceptuelle.
Les artistes ont entretenu une relation suivie avec les pratiques de camouflage. L'armée française, durant la grande guerre, utilisa les compétences de différents artistes dont Fernand Léger, pour développer les motifs pour les tenues des soldats et les peintures sur le matériel militaire. Le mot français "camouflage" n'ayant pas d’équivalent dans de nombreuses langues, fut adopté par les armées étrangères. Les militaires se sont mis à penser en termes d’arts plastiques. Pour casser les formes, pour les rendre moins discernables, ils ont développé le principe FORMATT pour Forme, Ombre, Reflet, Mouvement, Arrière-plan, Tonalité, Traces. Très vite de leur côté les artistes vont se réapproprier et détourner les motifs militaires : ce fut le cas dans les années soixante de Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Alain Jacquet, et aussi plus récemment de Michel Aubry, Thomas Hirschorn… Après celui de la chasse, le monde de la mode s’est également intéressé à ces motifs.
Ces filets de camouflage, initialement blancs, m’ont attiré parce qu’ils n’ont ni forme établie, ni sens décidé — ni signification définie, ni orientation privilégiée. Dans le prolongement de mes créations plastiques habituelles cette installation veut interroger nos capacités de perception et de discernement spatial selon les types d’éclairage. Face à ces textiles peints le spectateur est aussi amené à se questionner sur le statut de l’œuvre d’art en relation avec deux phénomènes extra artistiques : le camouflage et la fluorescence.
Jean Claude Le Gouic |