Jean Claude LE GOUIC

couleur couleurs         Urban Gallery, 15 mars - 18 avril 2019


« Jean Claude Le Gouic est peintre vingt quatre heures sur vingt quatre. Il est la peinture incarnée. Il peint tout le temps et, sans doute pour attester cette alliance, il porte la peinture sur lui, il se peint, il affiche sa passion... »
« La peinture de Jean Claude Le Gouic est pensée (sans être « savante », avec la connotation austère qu’on imagine), elle est tout sauf jetée n’importe comment, au petit bonheur, sur la toile, mais elle est viscéralement attachée au plaisir et au désir, à la fête (des yeux et d’autres sens), à une expérience renouvelée, variée, déclinée de ces deux personnages obsédants que sont pour Jean Claude Le Gouic l’espace, dans ses dimensions et ses vertiges et la couleur, à travers ses intensités, ses lumières éclatantes, ses assombrissements, ses moirures et sa transparence. A travers ce qu’elle cache (colos, celare) ou couvre en (le) montrant.

Michel Guérin, in La cause de la peinture, Publication de l’Université de Provence, 2008


« Le choix de diviser l'espace de la galerie en deux parties s'est imposé en tenant compte des deux usages de la fluorescence que j'ai expérimentés depuis une vingtaine d'années. La recherche de l'intensité de la couleur m'a poussé à la fin des années 1990 à utiliser des pigmentations fluorescentes acryliques en association avec la gamme des couleurs habituelles. Il s'agissait dans le tout premier temps d'obtenir une plus grande vivacité de la couleur en ajoutant ces teintes intenses aux couleurs les plus saturées proposées par les fabricants de peinture Beaux-Arts. L’envie d'expérimenter la juxtaposition de ces deux gammes pigmentaires sur la même toile est vite arrivée. Je me suis rendu compte que lorsque les deux teintes fluo et normale étaient rapprochées dans une valeur de luminosité très proche il se créait un trouble de la vision proposant une expérience nouvelle aux visiteurs. Le rayonnement des couleurs fluorescentes étant favorisé par l’éclairage ultraviolet j'ai, à partir des années 2000, travaillé puis exposé mes peintures sous le double éclairage : lumière blanche, lumière noire. Un variateur électronique commande le passage progressif du jour à la nuit. La découverte des peintures photos luminescentes m'a permis de réaliser les peintures dont l’étendue de la variation colorée est encore plus grande. En changeant d'éclairage les peintures blanches ou grises deviennent très lumineuses et très colorées.

Cela doit conduire le visiteur à un changement d’approche esthétique à partir d’expériences visuelles et sensorielles nouvelles. Ici plus d’espaces avec des figures fixes comme dans la tradition des représentations liées à la métaphysique occidentale. L’œuvre n’est plus la même dans la durée. Le principe est le changement cyclique, avec une fluidité du temps et des espaces, dans une pensée plus proche de l’esthétique orientale (Japon).

Le temps, matérialisé par le rythme des flux lumineux, fait monter à la surface les substructures spatiales cachées. Après l’expérience d’un premier cycle le visiteur sait qu’ici règne l’impermanence. Entre le visible et l’invisible, de nombreux moments insaisissables suscitent un mélange de tristesse (c’est parti) et de plaisir (cela commence à revenir). Mieux vaut oublier son ego pour se laisser emporter par les alternances temporelles et dans la succession d’éveils à de multiples petits évènements...

Même si je mets aussi en place des installations, cela continue à s’affirmer comme peinture puisque ces créations permettent de découvrir des propriétés insoupçonnées de certaines couleurs appartenant au médium pictural. Je travaille plastiquement des formes et des couleurs pour installer des espaces visuels abstraits susceptibles de conduire vers du réflexif.

L’expérience visuelle de ces créations fait prendre conscience combien la permanence des choses n’est qu’illusion. La fluctuation lumineuse et les effets visuels changeants renvoient à un monde flottant, un temps propice au suspens de l’esprit. Ces créations se veulent abstraites et leurs factures cherchent à éviter toutes traces pulsionnelles induisant une auto présentation de l’artiste. Le double éclairage suscite un regard en deux temps et la singularité de l’œuvre existe beaucoup du fait de cette re-présentation.

En parallèle avec la poursuite des « couleurs cachées », j’ai développé récemment une série de peintures (2016-2018) qui, utilisant moins la fluorescence, n’ont pas été conçues avec un double éclairage. Ces tableaux rassemblent des manières de peindre différentes, des espaces hétérogènes, des motifs décoratifs d’origines variées, des rappels culturels multiples avec une attirance pour les références ethniques. Le tempo n’est plus celui du variateur mais de l’intériorité du regard du visiteur explorant les profondeurs fictives de l’espace du tableau. Vingt ans après il me reste encore plein de choses à expérimenter dans l’usage de la fluorescence. »

Jean Claude Le Gouic, mars 2019

 
     
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